On sait de quelle façon ça commence, jamais quand ça finit

Je date le début de mon intérêt sérieux pour la musique en 1996, quand j’avais 10 ans. Cette année-là, j’ai eu en cadeau un poste radio-CD-double cassette. C’était l’occasion pour moi d’avoir mes propres disques en plus de procéder à une écoute assidue de la radio afin d’enregistrer mes titres préférés sur des cassettes1. Avant ça, j’écoutais les CD de ma mère sur sa chaîne hi-fi à blocs empilés2, collection qui contenait quelques pépites que j’écoute toujours aujourd’hui.

Dans cette collection se trouvaient les groupes de « rock à papa maman » qui sont les mêmes que ceux qui vous viennent à l’esprit en lisant ceci. J’ai donc grandi avec eux, parce que ma mère avait bon goût (à une ou deux exceptions près, traumatisée par William Sheller que j’ai été, dans le respect toutefois). Under Pressure est la toute première chanson de David Bowie que j’ai entendue. C’est normal, on avait Queen II3 à la maison, comme tout le monde. Au début des années 2000, j’avais une télé dans ma chambre. Ce gros tube cathodique a énormément contribué à ma culture musicale. Je n’avais accès qu’aux chaînes allant de 1 à 6, sans la 4, parce que c’était une autre époque. M6 diffusait encore des plages entières de musique. C’était un truc très important quand on avait besoin de sa dose quotidienne de clips et qu’on n’avait pas Internet à la maison. Aïe, mon arthrite… Bref, L’Alternative du dimanche soir (tard), je l’ai poncée (en douce). Assez rapidement, la connexion avec modem 56K a débarqué et l’ordinateur a remplacé la télé dans ma chambre. Je vous parle d’une ère où je cherchais à regarder des clips indé sur des sites de streaming néerlandais parce que YouTube n’existait pas encore. Putain, c’est fou quand j’y pense.

Mais revenons un chouïa en arrière. Avec Internet, j’ai élargi mon champ d’écoute à n’importe quelle occasion (bon, sauf quand il fallait raccrocher à cause du téléphone). Je ne me souviens pas du moment exact ni de ce qui m’a amenée à y jeter une oreille mais, un jour, j’ai entendu Velvet Goldmine de David Bowie. J’ai été bouleversée. Je connaissais pourtant à peu près le type, du moins dans les grandes lignes, ce n’était pas si flou. Mais alors Velvet Goldmine… Je suis en train de l’écouter au casque pendant que je rédige ces lignes, j’ai les larmes aux yeux et la chair de poule. D’accord, Bowie ne m’était pas inconnu mais Velvet Goldmine4 est la grosse claque qui me l’a dignement présenté.

En 2003, l’année de mes 17 ans, David Bowie a sorti l’album Reality. C’est le tout premier disque de lui que je me suis acheté. Il avait pourtant sorti Heathen l’année précédente mais je suis passée à côté. Je me souviens que Reality a pesé lourd dans le paysage médiatique, en plus il y a eu la pub Vittel, ça a peut-être facilité sa visibilité dans mon environnement de petite meuf qui construisait sa culture musicale depuis sa chambre à la campagne. Bon, voilà, ça a été le début des emmerdes. Je suis une fan, c’est ainsi. D’ailleurs, je n’épiloguerai pas sur ce terrible jour de janvier 2016 qui m’a rendue triste comme les pierres. Si vous savez, vous savez.

En ouvrant ma page Google Docs (où je rédige mes billets de blog avant de les publier ici), j’avais l’intention de ne parler que de Moonage Daydream, le documentaire sur David Bowie réalisé par Brett Morgen et sorti en septembre. Bon bah oups, j’ai ripé. Je l’ai vu au cinéma en léger différé, le 10 novembre. J’avais hâte parce que les divers trailers et extraits me faisaient espérer un truc flamboyant. Eh bien le mot est faible. Je vois en Brett Morgen un fan de la première heure (je n’ai pas vérifié), on ne peut pas réaliser un tel documentaire sans comprendre l’essence du mec. C’est un film pour celles et ceux qui veulent entrer dans la tête de David Bowie dans le but de piger ce qu’est ce cirque qui a duré un demi-siècle.

Moonage Daydream est un condensé chronologique de 2h20 plein d’images d’archives, d’extraits d’interviews, de concerts et de longs-métrages assortis d’une esthétique colorée, riche, psychédélique, explosive. J’en ai pris plein la gueule ! Mais ce n’est pas que visuel. C’est un très bel hommage, certes. Hagiographique peut-être mais eh, on parle de David Bowie. Peut-on s’attendre à autre chose ? Je vous écris ça de façon objective (pour de vrai). Je vous le disais plus haut, on entre dans la tête de l’artiste. On comprend ses procédés créatifs et ses cheminements, ses désirs et ses craintes, sa psyché arborescente et quasi insaisissable. C’est probablement pour ça que c’est si éclatant. Les critiques les plus frileuses trouvent qu’il est complexe pour un·e profane ou non-fan de regarder le documentaire. En effet, mon accompagnateur a trouvé le temps un peu long. Néanmoins, chaque œuvre a une cible. Je n’irai jamais voir un documentaire similaire sur Michel Sardou, par exemple. La critique d’un célèbre journal de droite m’a déclenché un rire sardonique. Elle estime que le film est raté car il ne montre pas suffisamment de trucs neufs. Soyons sérieux·ses, David Bowie est mort depuis sept ans, tout a déjà été dit, écrit, montré, fait sur lui depuis les années 1960. Le talent de Brett Morgen a été d’en faire un gros résumé chamarré, lumineux, philosophique, immersif et heureux.

Et en plus, j’ai pleuré à la fin (la vraie fin, la fin de quand le générique de fin est fini).

1 Colorées et transparentes achetées par lot de quatre.

2 Sur Twitter, ça s’appelle « la chaîne hi-fi de papa » de façon arbitraire et sexiste.

3 La compilation Queen II est sortie en 1991. À l’origine, Under Pressure est sur Hot Space, album de Queen publié en 1982.

4 Velvet Goldmine a été enregistrée en 1971 en même temps que l’album Ziggy Stardust mais elle n’est pas dessus. Elle s’est retrouvée en face B de la réédition britannique de Space Oddity en 1975. Elle a ensuite été publiée sur la compilation Rare en 1982.

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