J’avais tellement hâte de voir ce biopic ! Il s’agit de celui sur Mary Shelley, l’autrice de Frankenstein ou le Prométhée moderne, réalisé par Haifaa al-Mansour. On connaît Mary Shelley sous son nom d’épouse puisqu’elle s’est mariée (tardivement) avec le poète Percy Byssche Shelley, mais elle est née Mary Wollstonecraft Godwin, fille de la philosophe féministe Mary Wollstonecraft et de l’écrivain William Godwin.
Contexte historique et synopsis
Mary et Percy Shelley étaient des contemporain·e·s de Lord Byron, grand poète romantique et père d’Ada Lovelace, pionnière de l’informatique, et de John Polidori à qui on doit la nouvelle Le Vampire, classique du genre. Ce dernier est accessoirement l’oncle de l’artiste préraphaélite Dante Gabriel Rossetti. Pour situer un peu tout le monde.
Les Shelley et John Polidori se son retrouvé·e·s chez Lord Byron à Genève pendant quelques mois et c’est à ce moment que Mary Shelley a imaginé Frankenstein. Outre son imagination débordante et les histoires de fantômes dont elle était friande, Mary Shelley a aussi été inspirée par le galvanisme (= quand un muscle est contracté grâce à un courant électrique), notion étudiée à partir des années 1780. Peut-on ramener un cadavre à la vie si on lui injecte suffisamment d’électricité dans le corps ? La question est posée.
Dans la mythologie grecque, Prométhée est celui dont le foie est continuellement dévorée par l’Aigle du Caucase. Il est condamné à ce châtiment par Zeus parce qu’il a donné le feu sacré du mont Olympe aux humains. Frankenstein, ou le Prométhée moderne donc, est un chef-d’œuvre de la littérature gothique, mouvement principalement anglais qui a commencé au milieu du XVIIIe siècle pour durer tout le siècle suivant (voire toute la première moitié du XXe siècle). Les clés de la réussite d’un bon roman gothique sont les suivantes : de la noirceur, un vieux château mystérieux, des personnages mystiques, un cimetière, bref, les ténèbres absolues. J’adore ça, c’est mon genre préféré.
Un couple pas super serein
J’avais un peu peur que ce biopic se concentre davantage sur la relation des Shelley que sur l’écriture du roman… Et c’est arrivé. Mais ! Il est important de savoir comment le couple fonctionnait pour comprendre tout ce qui gravitait autour. Percy Shelley était déjà marié et père de deux enfants quand il a rencontré Mary. Il avait 21 ans, elle en avait 16. Le film nous le montre comme un type gentil et grand romantique mais il était sans doute davantage amoureux de la notion d’amour que des femmes de sa vie. À priori, Mary était exclusive, plus que Percy en tout cas, ce qui a rendu leur relation électrique (calembour de qualité). Après avoir eu plusieurs enfants et le suicide d’Harriet, la première épouse de Percy, Mary et lui ont cédé aux sirènes du mariage (bonne ambiance).
L’ange de la mort
La vie de Mary Shelley a été régentée par la mort. D’abord, sa mère est décédée dix jours après sa naissance. Sa sœur aînée, Fanny Imlay (fille de la première union de leur mère), s’est suicidée à 21 ans. Puis Mary a perdu ses trois premiers enfants en bas âge, seul un fils a survécu. Sa nièce, fruit illégitime de sa sœur cadette, Claire Clairmont, et de Lord Byron, est mort à 10 ans. Puis Percy Shelley s’est noyé à 29 ans, laissant Mary veuve à 24 ans. Elle a écrit Frankenstein après avoir perdu sa mère et deux de ses enfants, et avec sa relation tumultueuse avec Percy, on saisit d’où provient le concept de créature abandonnée.
Conclusion
Le film nous montre une jeune femme plutôt résiliente. J’ai trouvé intéressant de la voir écrire les pires horreurs – dans le contexte de l’époque et le mot « horreurs » a ici un sens mélioratif – en ayant une tête bien vissée sur ses épaules. Quant à Percy Shelley et Lord Byron, ils sont très expansifs dans leurs émotions, toujours dans l’excès, tout en écrivant les plus beaux vers. Après tout, si la littérature gothique est en pleine éclosion, il en va de même pour le romantisme.
Si le film est évidemment très romancé, il est percutant parce qu’il retrace subtilement ces deux années décisives de Mary Shelley, entre 16 et 18 ans, marquées par sa rencontre avec son époux et l’écriture de sa plus grande œuvre. Ou comment parler d’amour et de passion sans faire passer cette (si jeune !) femme pour une imbécile, c’est prodigieux.