Low, de David Bowie

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Comme la il a fait nuit toute la semaine et que le soleil est revenu ce matin, j’ai ressenti l’envie et le besoin d’écouter un vinyle en prenant mon petit déjeuner. J’ai rêvé de David Bowie, mon choix s’est donc spontanément porté sur Low. C’est curieux comme cet album me met toujours dans une humeur joyeuse alors qu’il est profondément mélancolique. Il m’est arrivé plusieurs fois de danser dans mon salon en l’écoutant, la dichotomie entre le sens profond de ce disque et sa réalisation est incroyable. Je roule aisément des épaules sur Sound and Vision même si « drifting into my solitude, over my head » et c’est ça qui est génial : rendre l’obscurité éclatante. Si je devais comparer cet album à un film (parce que pourquoi pas), je penserai à Las Vegas Parano, Pulp Fiction ou The Big Lebowski.

Contexte de création

Publié en 1977, Low est un album post-rock / art rock, le premier de la trilogie berlinoise (bien qu’enregistré en grande partie au château d’Hérouville), avec « Heroes » (1977) et Lodger (1979). C’était peu après le Thin White Duke et les controverses : constamment sous cocaïne, David Bowie a notamment laissé entendre que le fascisme était cool. Il était grand temps de se désintoxiquer afin d’arrêter de dire des conneries. Son déplacement à Berlin lui a sans doute sauvé la vie, en plus d’avoir favorisé une période de créativité fabuleuse. Pendant la réalisation de Low, Bowie était au 36e dessous : il vivait un mariage bancal avec Angie (le divorce sera prononcé en 1980) et tentait de mettre fin à ses addictions. À priori, le titre de l’album serait le reflet de l’état d’esprit de Bowie à ce moment-là.

Low désossé

Cest le premier album de Bowie à taper dans les sons électro avec l’introduction de divers synthétiseurs (ARP 2600, Mini Moog, Chamberlin, EMS Synthi AKS, etc.) pour faire des trucs avant-gardistes et atmosphériques. Ainsi la face A est composée de 7 morceaux pop rock, avec l’intervention d’Iggy Pop dans les chœurs de What In The World, et les 4 titres de la face B sont essentiellement intrumentaux et davantage expérimentaux. C’est un disque construit pour une écoute sur vinyle, à mon sens le charme est perdu avec les autres supports.

Face A

Les premier et dernier titres de l’album – respectivement Speed of Life et A New Career in a New Town – se répondent parce qu’ils ont le même rythme et sont tous les deux instrumentaux. C’est une excellente manière de commencer et terminer la face A, la rendant indépendante de sa face B. Ça rend ainsi l’album écoutable pour tout le monde : on peut très bien se contenter de la face A si on est hermétique à la musique expérimentale, et vice-versa. De mon côté, c’est la partie de l’album que j’écoute le plus, je retourne finalement assez peu le vinyle ! Le deuxième morceau, Breaking Glass, dure moins de deux minutes et est plein de sel. Le texte entier est succinct : « Baby I’ve been breaking glass in your room again / Listen / Don’t look at the carpet, I drew something awful on it / See / You’re such a wonderful person / But you got problems / I’ll never touch you ».

Quand il a écrit ça, Bowie était complètement camé et faisait référence à son intérêt pour Aleister Crowley et ses quelques délires mystiques (les seventies, une époque formidable). Et si vous voulez savoir ce qui est dessiné sur le tapis, sachez que c’est l’Arbre de Vie de la Kabbale. C’est qu’on aurait presque envie d’essayer la même poudre que lui (c’est une plaisanterie, ne vous droguez pas, la drogue c’est mal).

Always Crashing in the Same Car est le cinquième morceau de Low. Son titre est assez équivoque, c’est en partie une métaphore sur cette manie qu’on a de répéter sans cesse les mêmes erreurs. En partie seulement parce que cette chanson mentionne aussi un autre épisode toxico de Bowie. Alors qu’il était sous influence et surtout au volant de sa voiture, il a foncé dans celle de son dealer parce qu’il pensait que celui-ci l’avait arnaqué. Il est d’ailleurs possible que la Jasmine citée dans le morceau soit en fait Iggy Pop, probablement passager à côté de Bowie à cet instant.

Face B

Passons maintenant du côté expérimental de la force. Je vous le disais plus haut, cette face ne comporte que 4 morceaux mais ils sont un peu plus longs, allant jusqu’à presque 6″30 pour l’un d’eux, alors que la face A est marquée par des titres très courts (la majorité fait moins de 3 minutes).

Warszawa (Varsovie en polonais) a inspiré Joy Division qui s’appelait initialement Warsaw. David Bowie a visité la capitale polonaise quelques années auparavant et il n’a vu que la désolation. Il reprend ainsi Helokanie, chanson folklorique polonaise. Une ambiance de destruction délicieusement froide :

Tous les titres font référence à un lieu. Art Decade fait allusion à une rue de Berlin Ouest, Weeping Wall est un morceau minimaliste qui évoque le mur de Berlin, vous l’aurez deviné. Enfin, Subterraneans est le titre le plus obscur puisqu’il représente Berlin Est et le jazz du saxophone (instrument de prédilection de David Bowie, vous en entendrez sur tous ses albums) se fait la mémoire des habitants et des lieux.

Je terminerai sur une anecdote amusante : RCA Records, le label de David Bowie, lui a envoyé une lettre après l’écoute de Low en lui expliquant à quel point c’était un album merdique et qu’il était urgent qu’il réalise fissa un disque comme Young Americans (excellent album avec lequel Bowie a exploré la soul en 1975). Et si la critique de l’époque a été assez divisée, la postérité a fait le boulot puisque dans sa liste des 100 meilleurs disques des années 1970, Pitchfork a placé Low en n°1. Q l’a mis en 14e position dans sa liste des 100 meilleurs albums britanniques. Et puis NME a décidé que c’était le 14e meilleur album de tous les temps, tandis qu’il est évidemment l’un des 500 meilleurs albums du monde selon Rolling Stone.

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