Originaire de Léningrad (alors Saint-Pétersbourg l’année de sa naissance), Viktor Tsoi était le chanteur du groupe Kino, emblème du rock soviétique des années 1980. En URSS, le gouvernement n’avait pas envie d’entendre parler de ce style de musique. Il a fallu attendre la Perestroïka (1985-1991) et la Glasnost (1986), correspondant à l’arrivée de Mikhail Gorbatchev au pouvoir, pour qu’on apprenne à se détendre sur le sujet. Avant ça, les disques se refilaient sous le manteau. Viktor Tsoi et ses copains sont arrivés au bon moment et ont rencontré un succès mérité. Hélas, Tsoi n’a pas eu le temps de beaucoup en profiter puisqu’il est mort en 1990 dans un accident de voiture, il avait 28 ans.
Mercredi dernier est sorti en salles Leto, de Kirill Serebrennikov, basé sur les écrits de Natalia Naoumenko (qui apparaît dans le film). Лето veut dire « été » en russe, c’est aussi une chanson de Kino. Le titre entier est Кончится лето, littéralement « l’été est fini« , sorti en 1990 sur l’album éponyme du groupe. Le dernier album, d’ailleurs, aussi appelé l’album noir pour des raisons évidentes.

Synopsis
Ce film en noir et blanc est un biopic centré sur Viktor Tsoi mais il évoque également Mike Naoumenko, leader du groupe Zoopark, actif en même temps que Kino. Au tout début des années 1980, Tsoi et Naoumenko se sont produits en Leningrad’s Rock Club qui était un des rares lieux où ils pouvaient jouer leur musique sans être trop inquiétés. C’est à partir de là qu’ils se sont entraidés, avec leur bande de potes punks et métalleux. Ils sont fans de Marc Bolan (leader de T-Rex mort en 1977), Lou Reed, David Bowie et découvrent tout juste Blondie. Leur quotidien n’a rien à voir avec ce qu’on connaît en Occident. Il est mal vu d’écouter la musique de l’ennemi (= les États-Unis) alors la vie de la jeunesse qui se rebelle est un combat.
Serebrennikov a réussi à rendre complètement pop son film monochrome grâce à quelques incrustations de Super 8 mais surtout grâce aux scènes musicales, trop rares à mon goût (mais bon, ce n’est pas une comédie musicale non plus). Ce joli combo nostalgico-mélancolique rend l’URSS bien moins grise et montre une jeunesse pas aussi fataliste qu’on pourrait l’imaginer. L’amour du rock est aussi une ode à la liberté.

Psycho Killer, mais qu’est-ce que c’est ?
Je ne résiste pas à l’envie de vous montrer la meilleure scène du film. Pour les non russophones : en gros, le type au chapeau dit au copain punk de Tsoi qu’il ferait mieux d’entrer dans le rang. Sauf que ledit punk se fout un peu de sa gueule, alors l’homme appelle la sécurité. Le mec avec les lunettes est le narrateur omniscient du film, on l’aperçoit de temps en temps pour expliquer ce qui est en train de se passer et pour dire que telle ou telle scène n’a pas réellement existé. Notamment à la fin de celle-ci puisque, dans la vraie vie, Tsoi et ses potes n’ont pas chanté Psycho Killer des Talking Heads dans un train.