Dracula l’Immortel, de Dacre Stoker et Ian Holt

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Je me suis mise dans un de ces bourbiers ! J’ai cru ne jamais m’en sortir. J’ai voulu lire la suite officielle de Dracula de Bram Stoker suite à mon énième relecture de ce dernier. Le jour où j’ai pris cette décision, j’aurais mieux fait de me crever les yeux. Quand j’ai refermé Dracula l’Immortel, mille questions me sont parvenues, la première étant : est-ce que Dacre Stoker est en train de se foutre de ma gueule ?

Dracula l’Immortel est un roman imbuvable. Je suis choquée, je ne pourrai peut-être jamais plus visualiser les personnages originaux sans me souvenir de leur futur débilitant. Avant-propos :

C’est de surcroît le seul et unique ouvrage à avoir reçu l’approbation de la famille Stoker, et c’est la première fois depuis le film de Todd Browning que celle-ci soutient une adaptation de l’œuvre originale de Bram.

Excellente vanne ! Chez les Stoker, il y a de gros problèmes de droits, c’est pour ça qu’il n’y a que le train qui n’est pas passé sur Dracula et le mythe qui l’accompagne. N’importe qui peut faire ce qu’iel veut de l’histoire. Dacre Stoker est juste un enfant gâté qui a voulu se réapproprier le bazar et puis c’est tout. Il y a tellement de choses critiquables, j’ai pris 7 pages de notes au cours de ma lecture, ça ne m’est jamais arrivé. Ce sera un billet foutraque et je vais spoiler, je suis désolée.

Arrière-petit-neveu de Bram Stoker, Dacre Stoker a écrit le roman Dracula l’Immortel en collaboration avec Ian Holt, expert de Dracula auto-proclamé. Je suis aussi une experte auto-proclamée et je n’aide pas les gens à assouvir des délires égocentriques de riches. On pourrait avoir davantage envie d’accorder du crédit à Elizabeth Miller, universitaire canadienne spécialiste de Dracula, qui signe la postface du livre et on voit bien qu’elle n’a pas envie de se mouiller :

Dracula l’Immortel est la suite à multiples facettes d’un roman donnant lieu à diverses interprétations. Dacre Stoker et Ian Holt ont embrayé sur la vie et la destinée des personnages survivants de l’histoire originale : le Dr John Seward, Arthur Holmwood, Abraham Van Helsing, Jonathan et Mina Harker. Pour avois jadis croisé le chemin de Dracula, tous ont souffert de préjudices irréparables dans leur existence personnelle et professionnelle. Seward a succombé à une dépendance totale à la morphine. Arthur a cherché en vain à se consoler de la perte de sa chère Lucy dans un autre mariage, et s’est ainsi isolé de ses anciens amis. Van Helsing, à présent un vieillard, est encore obsédé par l’idée de traquer à tout prix le monstre. Quant à Jonathan et Mina, leurs souvenirs respectifs de Dracula auront irrémédiablement souillé leur union.

J’ai surtout eu l’impression de lire la suite du film de Francis Ford Coppola, réalisé en 1992, tellement c’était romantique. Et le film est excellent, lui. Ce texte de presque 500 pages m’a rappelé ce que je pouvais écrire à 12 ans quand j’étais hyper inspirée par les fictions que je regardais à la télé.

Outre les indices donnés plus haut par Elizabeth Miller, il faut savoir que le personnage central de Dracula l’Immortel est Quincey Harker, le fils unique de Mina et Jonathan. Il est question de sa naissance à la toute fin du roman de Bram Stoker. Il a désormais 25 ans et souhaite devenir acteur alors que son père, toujours notaire, est contre. Mina est, quant à elle, devenue subitement aspirante journaliste alors qu’elle faisait en sorte de devenir institutrice chez Stoker senior. Enfin peu importe, elle a de toute façon laissé ses rêves de côté pour devenir une bonne femme d’intérieur comme on les aime. Publié en 1897 et sans indication réelle sur la date à laquelle se passe l’histoire dans le roman original, Dacre Stoker et Ian Holt se sont dit que placer les événements de leur torchon en 1888 était judicieux. C’est d’une finesse… Ils ont aussi ajouter un autre personnage sanguinaire, tout aussi historique que légendaire. Je vous le donne en mille : une femme… hongroise… du XVIe siècle… qui prenait des bains du sang de jeunes filles vierges… Oui, voilà, vous l’avez, Erzsébet Báthory. Quel enfer ! Quelle paresse ! Quel bordel ! Et pourquoi ne pas enrichir le récit par le personnage de Bram Stoker lui-même en prenant soin de lui cracher dessus tout en l’invoquant grâce à des raccourcis stupides ? Quoi, ils l’ont fait ? Eh bien ça alors ! Surprenant ! C’est un cauchemar.

Comme dans un bon slasher, les personnages crèvent tous les uns après les autres. Par exemple, Jonathan se fait empaler sur un pieu au beau milieu de Piccadilly Circus mais personne n’a rien vu, c’est magique. On se retrouve dans une intrigue à la Scooby-Doo sans savoir où on va puisqu’on n’arrête pas de nommer Dracula en supposant qu’il est toujours vivant (wait for it) et sans savoir ce qui se passe et puis paf, en fait Dracula n’est pas mort. L’instant où la preuve m’est apparue au cours de ma lecture, j’ai eu du mal à m’arrêter de rigoler. On apprend donc qu’il a mené sa petite vie de mec non-mort mais c’est seulement au bout de 25 ans que Mina recommence à se sentir sous son emprise. Elle a été mordue dans le roman original mais sa transformation s’est arrêtée à la mort de Dracula, alors que se passe-t-il ? Je cite : « Elle reconnut la voix de son prince noir qui l’implorait […] Mina sentit Dracula prendre le contrôle de son corps. » Allo, c’est quoi ça ?! Son prince noir ? Alors qu’elle ne pouvait pas le voir en peinture dans le roman de Bram Stoker et qu’il avait même une haleine fétide ? Vous allez voir qu’on va apprendre que Dracula est en fait un gentil, qu’il en a après Báthory au lieu du groupe mené par Van Helsing, qu’il a couché avec Mina et qu’il est en fait le père biologique de Quincey… Ah ? C’est vraiment ce qui arrive ? Putain, c’est une immense farce. Stoker junior et Holt écrivent même : « Dracula était certes un assassin, mais dénué de cruauté. » Un assassin dénué de cruauté ! Fin de la blague ! J’en peux plus !

Dracula l’Immortel est un roman écrit avec le cul, un délire de gosse de riche, un pavé ridicule, un nanar. Oh et si vous vous posiez la question, oui, c’est tout aussi sexiste que l’œuvre du tonton : « Hormis ses pulsions charnelles, un homme agit avec sa tête et suit sa logique. Alors qu’une femme écoute son cœur et seules ses émotions lui dictent ses décisions. » Il y a vraiment des bouquins qui ne méritent rien de mieux que nourrir un feu de cheminée, genre celui-là. Ne l’achetez pas.

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