Chanson douce, de Leïla Slimani
Lorsque Myriam décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise et sont conquis par son aisance avec Mila et Adam, et par le soin bientôt indispensable qu’elle apporte à leur foyer, laissant progressivement s’installer le piège de la dépendance mutuelle.
Comme c’est de saison, parlons-en : c’est la première fois de ma vie que je lis un prix Goncourt. Leïla Slimani l’a remporté en 2016 pour Chanson douce, ce roman terriblement glaçant. Connaissant le sujet, je n’étais pas sûre de le lire un jour à cause de mon histoire personnelle. Disons que j’ai un rapport étroit avec le concept de la nounou pas super cool. Et puis le hasard a voulu que l’adaptation cinématographique de Lucie Borleteau (avec Karin Viard et Leïla Bekhti) soit au programme du festival du film de La Roche-sur-Yon alors j’ai acheté le bouquin. Je ne suis finalement pas allée voir le film mais je le ferai à sa sortie officielle, le 27 novembre.
On dit que c’est un roman qui se lit en apnée et je confirme. Le récit semble avoir existé, tel une chronique fleuve judiciaire mais sans le côté policier. C’est une histoire tragique et fataliste qui démonte le bide, celle de deux visions de la maternité évoluant dans une société patriarcale, tout en étant celle des différences sociales. C’est d’ailleurs intéressant comme le personnage de Paul, le père des enfants, est secondaire. Il est ce père qui travaille et se préoccupe moins de sa famille et de son intérieur que Myriam, la mère, pilier du roman. C’est elle qui a besoin de s’affranchir de ses enfants et de reprendre son indépendance qui passe par sa carrière professionnelle. A aucun moment il ne viendrait à l’esprit de Paul de cesser de travailler pour s’occuper de Mila et Adam à plein temps. C’est ainsi que Louise entre dans leurs vies, elle qui est la vision de la mère et la femme parfaite, mais parfaite aux yeux du patriarcat. C’est un bouquin qui mérite un avertissement, je ne suis pas sûre qu’il soit à mettre entre toutes les mains, en témoigne ma propre expérience. Je l’ai supporté mais je n’ai pas pu m’empêcher de comparer les situations. Alors faites attention à vous !
Journal intime d’un prie-Dieu suicidaire, d’Yves Baot
Ce petit prie-Dieu ne devrait pas tout dévoiler. Car les visites qui lui sont faites, aussi étranges soient-elles, ne garderont pas, hélas, le secret nécessaire des confessions étriquées…
Alors malheur à lui !
Galerie de portraits aussi bizarres qu’absurdes où l’on se questionne sur la véritable histoire de la petite poule rousse, où l’on croise un écrivain célèbre et un assassin encore amoureux, où l’on rencontre la jeune Martine qui ne se trouve ni à la plage ni avec l’âne Cadichon, sans oublier les deux fillettes à la vengeance aiguisée…
Attention ! Forte houle dans le bénitier !
Non mais avez-vous vu ce programme ? C’est la troisième fois qu’Yves Baot a l’extrême gentillesse de m’envoyer son dernier livre et je l’en remercie chaleureusement. J’ai déjà écrit sur ses précédents, Nocturne n°13 et Polaroïd, je vous invite donc fortement à me (re)lire.
Journal intime d’un prie-Dieu suicidaire est une œuvre qui n’a pas été sans me rappeler le style de Jean Teulé, je pense notamment au roman Le magasin des suicides. Il s’agit ici d’une pièce de théâtre en 7 actes, ou plutôt 7 rencontres. Il y a ce prie-Dieu posé là, dans son édifice religieux, et qui n’en peut plus (il parle et il pense, oui). Il est dépressif, susceptible et ronchon, l’organiste lui casse la tête (façon de parler) et il subit des rencontres aussi inattendues qu’absurdes. Mes préférées sont celles avec Martine, qui m’a fait beaucoup rire, et les deux petites filles, rencontre pendant laquelle j’ai recraché mon thé de surprise (et de rire, encore).
Des trois pièces de l’auteur, je pense que celle-ci est ma favorite parce que j’ai aimé son humour un peu noir (mon dada) et le surréalisme total. Je recommande vivement ! Vous pouvez vous la procurer ici-même.
Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos
En Bretagne, un bibliothécaire recueille tous les livres refusés par les éditeurs. Parmi ces manuscrits, une jeune éditrice découvre une pépite écrite par un certain Henri Pick. Elle part à sa recherche et apprend qu’il est mort deux ans auparavant. Mais selon sa veuve, il n’a jamais écrit autre chose que des listes de courses… Aurait-il eu une vie secrète ? Auréolé de ce mystère, le livre de Pick aura des conséquences étonnantes sur le monde littéraire.
Encore un roman qui a eu droit à son adaptation cinématographique, voyez les trombines de Camille Cottin et Fabrice Luchini sur la couverture. J’ai désormais hâte de la voir, même si je suis d’ores-et-déjà refroidie par des détails qui semblent « réédités »… Camille Cottin joue le rôle de Joséphine, une femme censée avoir 50 ans, tout comme Fabrice Luchini, alias Jean-Michel, pour lequel on semble raccord sur son âge… J’en ai déjà marre, même si je vends peut-être la peau de l’ours. Vous voyez peut-être où je veux en venir si vous avez lu le livre.
David Foenkinos est un auteur chouchou, en quelque sorte. Avec lui je passe toujours un excellent moment. Lennon (2010), Je vais mieux (2013) et Charlotte (2014 ; j’ai lu ce dernier d’une traite dans un train qui me ramenait d’Amsterdam il y a trois ans) en sont les preuves. J’ai donc naturellement adoré Le mystère Henri Pick (2016). L’idée de la création d’une bibliothèque des livres refusés par les maisons d’édition est exquise, même si on doit y trouver tout et n’importe quoi. Dans cette interview David Foenkinos compare son Henri Pick à Vivian Maier, une nourrice qui a photographié le quotidien de Chicago pendant des années sans toujours développer ses pellicules, on a découvert son travail après sa mort. Une personne qui disparaît en laissant une œuvre qu’elle a conçue de façon discrète (ou non) devient mystérieuse et fascinante post-mortem. On ne peut plus sonder son esprit ni lui poser de questions. Pour comprendre l’artiste, on est obligé·e d’enquêter.
J’aime bien l’idée du roman autour du roman et, par extension, les histoires de processus d’écriture, ça me passionne. Le mystère autour de Henri Pick est aussi une façon de montrer qu’il arrive que le fond importe peu et que ce soit parfois la superficialité de la forme qui prime. Ce procédé n’est pas utilisé qu’en littérature, plusieurs milieux sont gangrenés par la culture du « buzz » et j’ai cela en horreur. Dans l’interview sus-citée, David Foenkinos dit que ça a toujours existé. Sans doute.
L’écriture est malicieuse et elle a beau être sobre, elle n’est pas moins profonde. J’ai adoré ce roman, il m’a touchée. Alors forcément, je vous le conseille !